La mafia au cinéma en 12 films (2024)

Par François Forestier

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Sélection A l’occasion de notre hors-série sur «le Pouvoir de la mafia» (toujours en kiosque), notre critique cinéma François Forestier a établi la sélection des meilleurs films racontant le crime organisé.

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Dossier Hors-série: le pouvoir des mafias En accès libre

Depuis près d’un siècle – soit avec l’apparition du cinéma parlant –, le cinéma s’est emparé du mythe de la mafia avec délectation. Les titres abondent, et quel que soit le pays, Inde, Japon, Corée, Afrique du Sud ou Italie, les films faisant référence au crime organisé ne manquent pas. Depuis la satire la plus burlesque («Mafia Blues», 1999) jusqu’au quasi-documentaire («Gomorra», 2008), en passant par la télé («les Soprano», «Suburra»), la palette du genre est large.

Rien de plus satisfaisant que l’idée d’un pouvoir secret qui sape notre société, ce qui explique tous les maux de l’époque, grand et petits. Le cinéma américain, grand pourvoyeur de mythologies, est évidemment en tête dans ce registre – et attendons la période post-Trump, dans quelques années, pour en juger: nul doute que Hollywood saura exploiter ce registre du «Deep State», l’Etat criminel dans l’Etat de droit.

Paranoïa et mafia, au cinéma, vont de pair – pour notre plus grand plaisir. Voici douze films à voir ou à revoir, qui forment la saga de la Cosa Nostra à l’écran.

1. Le Petit César (1931)

Grandeur et décadence d’un parrain: tiré d’un roman de W.R. Burnett, mis en scène par l’homme à tout faire de la 20th Century Fox, Mervyn LeRoy, le film est inspiré d’un bootlegger authentique, rival d’Al Capone. C’est beau, palpitant et c’est le rôle de Rico Bandello qui a propulsé Edward G.Robinson en haut de l’affiche.

Un genre – le polar noir – naît sous nos yeux (il n’existait pas de films de gangsters dans le cinéma muet), et le public de la Grande Dépression, lassé des mélos mielleux et des drames bourgeois, adopte avec enthousiasme ce monde de crapules tragiques. La dernière réplique du petit César Bandello, mitraillé à mort, est restée célèbre: «Mère de Dieu, est-ce la fin de Rico?» Oui, mais, c’est le commencement d’un mythe.

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2. L’Ennemi public (1931)

L’un des films les plus violents de l’époque: l’ascension de Tom Powers, petit bootlegger irlandais (mais inspiré d’exemples italiens), signale le déclenchement de la guerre des gangs à Chicago. Mis en scène par William Wellman, ancien délinquant juvénile (sa mère était contrôleur judiciaire), le film a transformé le jeune James Cagney en vedette internationale: l’énergie de l’acteur carbonise l’écran.

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Les bonnes âmes s’en sont mêlées et ont exigé des coupes (non effectuées). Le système de contrôle n’existait pas encore, et la scène où Cagney écrase avec rage un pamplemousse sur le visage de Mae Clarke est restée ultra-célèbre. Là, l’idée d’un comité de censure est née. Pas question de laisser ces films polluer la jeunesse.

3. Scarface (1932)

Le film le plus célèbre du genre, qui a imposé l’image du mafieux (George Raft) qui joue avec une pièce de monnaie. Visiblement inspiré d’Al Capone, le personnage de Tony Camonte (joué par Paul Muni, acteur doux que l’idée de tenir une arme terrifiait) est devenu, sous la direction inspirée de Howard Hawks, une icône.

Ben Hecht, le scénariste, a été contacté par les sbires d’Al Capone, qui redoutait une image négative de lui-même, due à son identification grâce à la balafre. Réponse de Hecht: «On l’a intitulé “Scarface” [“le Balafré”] parce que c’est le sobriquet de Capone et qu’il est célèbre, ce qui contribuera au succès. Mais le personnage n’a rien à voir. On appelle ça le cinéma.» Plus tard, Capone, satisfait, a acheté des copies du film pour son usage personnel. Accessoirement, le film est un chef-d’œuvre.

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4. L’Enfer de la corruption (1948)

Incroyable petit film noir, resté inédit en France pendant vingt ans, dans lequel un jeune avocat, Joe Morse (John Garfield) travaille pour un parrain qui cherche à unifier les différentes familles de NewYork en une seule organisation puissante. Le frère de Joe, Leo, est victime de ces machinations, et, dès lors, il ne reste qu’une seule voie: combattre cette mafia en témoignant contre elle.

Abraham Polonsky, marxiste convaincu (bientôt blacklisté), ne mâche pas ses mots –ni ses images. Le film, en noir et blanc, est d’une puissance peu commune et d’une noirceur dingue. Polonsky, plus tard retraité, est devenu prof de philosophie et a donné cours sur le sujet «Contenu et conscience». Son film est un chef-d’œuvre, mineur, mais un chef-d’œuvre quand même.

5. Au nom de la loi (1949)

Le premier film italien sur la Mafia, signé Pietro Germi, cinéaste mésestimé qui a toujours fait passer ses opinions de gauche dans ses films et qui a eu un regard corrosif sur la société italienne. Sur un scénario de Mario Monicelli et de Federico Fellini, Germi filme un juge (Massimo Girotti) qui enquête sur le crime organisé dans une petite ville sicilienne.

C’est juste, simple, direct: la corruption généralisée est évidente, et la Mafia règne, garante d’un certain ordre (et d’une certaine loi qui n’est pas la Loi). Le film n’est pas spectaculaire, mais il est puissant. Dans l’Italie de l’après-guerre, c’est la naissance du néoréalisme.

«Le pouvoir des mafias», un hors-série de «l’Obs»

Le hors-série de «l’Obs» sur les mafias peut être commandé sur la boutique de notre site. L’intégralité de nos articles est aussi à retrouver sur le web dans ce dossier.

6. Traquenard (1958)

C’est le film où le capo di tutti capi, Rico Angelo (joué par Lee J. Cobb cabotinant au maximum), massacre trois truands à coups de batte de base-ball au cours d’un banquet (inspiré de la réalité). Hollywood, après des années de silence sur la Mafia –causées par la création du comité de censure Hays et par l’insistance de J. Edgar Hoover, patron du FBI, disant que le crime organisé n’existe pas, reprend du poil de la bête grâce au metteur en scène Nicholas Ray, rebelle et prêt à se battre. Technicolor MGM, production à gros moyens, casting de luxe avec Robert Taylor et, surtout, Cyd Charisse, sublime danseuse dont le héros, avocat ripou, tombe amoureux. On le comprend: nous aussi.

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7. Salvatore Giuliano (1962)

La vraie histoire de Salvatore Giuliano, bandit sicilien tué en 1950 par les carabinieri, qui a été, selon les opinions, un véritable Robin des Bois, un voyou de la pire espèce ou un révolté délinquant. Francesco Rosi, cinéaste très politique, montre comment la Mafia naît de la pauvreté, comment la structure rurale très particulière de la Sicile a favorisé l’émergence du banditisme, et comment l’Etat ne sait que réprimer. C’est le début, en Italie, des films fortement inspirés d’une réalité sociale, sous forme de dossiers quasi documentaires. Le film démystifie avec virulence. Désormais, ce sera une tendance dans le cinéma italien.

8. Mafioso (1962)

Un modeste employé de Milan revient dans son village natal en Sicile. Là, en échange de certaines faveurs, il est chargé de tuer un homme à NewYork pour le compte de la Mafia locale. Il part, enfermé dans une caisse en frêt aérien… C’est une comédie. Noire mais drôle. Sur un scénario de Marco Ferreri, Alberto Lattuada, metteur en scène antifasciste et prolifique, s’amuse à ridiculiser les truands et, en même temps, dénonce la tradition de la dette criminelle. Ce qui ajoute à la saveur du film, c’est la composition d’Alberto Sordi, sans doute l’un des acteurs les plus géniaux que la terre ait porté.

9. Le Parrain (1972)

Le film des films sur la Mafia. Coppola a réussi un chef-d’œuvre, qu’on peut voir et revoir sans cesse avec le même plaisir et la même admiration. Mario Puzo, l’auteur du livre, a beau clamer que tout n’est qu’invention, qu’il n’a jamais rencontré un mafioso de sa vie, rien n’y fait: «le Parrain» est devenu la référence ultime, et Marlon Brando est désormais l’empereur du crime organisé, pour toujours. La phrase: «Faites-lui une offre qu’il ne pourra pas refuser» est passée dans le langage courant.

Coppola a signé une suite «le Parrain2» (1974), géniale. Et une suite de la suite, «le Parrain3» (1990), moins réussie. Mais quand on parle de mafia, maintenant, on pense évidemment à Don Corleone, assis dans l’obscurité de son bureau, impérial et inquiétant…

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10. Il était une fois en Amérique (1984)

Le grand œuvre de Sergio Leone, qui imagine une saga (223minutes) basée sur le roman vrai de Harry Grey (de son vrai nom Herschel Goldberg, truand incarcéré à Sing-Sing). Des années1920 aux années1960, on assiste à la formation et à la montée d’un royaume mafieux, cancer qui se développe au cœur de l’Amérique et qui, en fait, est l’Amérique.

Leone filme comme dans ses westerns, en plans très stylisés, et rassemble un casting incroyable: Robert De Niro, James Woods, Joe Pesci, Treat Williams, Danny Aiello… Au cœur du film, véritable âme d’une nation: la rapacité. Au fond, n’est-ce pas un film anticapitaliste?

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11. Les Affranchis (1990)

Impossible de parler de la mafia au cinéma sans se référer à Scorsese: depuis «Mean Streets» (1973) jusqu’à «The Irishman» (2019) en passant par «Casino» (1995), «les Infiltrés» (2006) et «Boardwalk Empire» (2011). Mais «les Affranchis», basés sur le livre de Henry Hill, truand rescapé de la Mafia, ne montre pas des capos, des dons, des dignitaires, mais se concentre sur le personnel de la Cosa Nostra, les braqueurs, les voyous, les petites mains.

Véritable contre-société dans la société, cette «famille» est filmée comme si c’était un club de boys qui vivent tout ça avec naturel. Joe Pesci, qui a obtenu un oscar, a fondé son rôle sur ses souvenirs d’adolescence, quand il était coursier d’un truand.

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12. Gomorra (2008)

La mafia, telle qu’en elle-même, dépouillée de son mythe: le livre-enquête de Roberto Saviano qui lui a valu de devenir un clandestin, et le film de Matteo Garrone ne portent pas sur la Mafia sicilienne, mais sur la Camorra (à vrai dire, aucune différence).

Loin du romantisme du «Parrain», c’est un regard impitoyable sur la misère de la délinquance, l’imbécillité des jeunes délinquants, le mépris total de la vie humaine, l’incessante quête d’une bribe de pouvoir ou de territoire.

On est dans les bas-fonds de la société italienne, cités crapoteuses, âmes à vendre, mains rouges de sang. Un film inoubliable, reflet d’une réalité sordide –mais grandissante. «Gomorra» est un mot composite, fait de «géhenne» et de «Camorra». Tout est dit.

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Author: Ouida Strosin DO

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